J’ai tenté de joindre mon psychiatre : il est absent jusqu’au 13 décembre, jour de mon rendez-vous. Depuis notre dernier entretien j’ai diminué mon ZOLOFT comme conseillé, puis la fatigue était telle que j’étais incapable de me souvenir si je l’avais pris la veille ou non (j’étais à une gélule tous les deux jours) alors j’ai arrêté totalement. Ça a été très progressif donc je ne pense pas que ce soit la cause de mon pétage de câble aujourd’hui. Mais voilà : trois mois sans jamais enchaîner plus de 3 heures de sommeil d’affilée (au mieux). Septembre, octobre, novembre. Décembre, je craque. D’autant plus que Mini Lu amorce sa troisième crève (vive la crèche), moi je ne suis toujours pas guérie de la précédente et je sais que l’on repart pour des journées et des nuits (encore plus) difficiles. Je ne m’en sens pas la force.
Il faut que je pose le bordel de mon cerveau quelque part en attendant de pouvoir en parler à quelqu’un. PMettes en galère, si jamais tu t’égares encore par ici, fuis maintenant ! Parce qu’il te sera sûrement insupportable de lire mes maux. On est loin du politiquement correct et de la maternité version Instagram.
Je suis épuisée. J’angoisse chaque matin à l’idée de la journée à venir, de m’occuper de Mini Lu à temps plein. Gérer le quotidien, les rendez-vous, les pleurs, les soins et son mal-être à cause de la maladie ou des poussées dentaires. Je n’ai jamais vécu de burn-out, mais j’imagine que ça doit ressembler à ce que je traverse en ce moment : je fais n’importe quoi ! Tout en même temps, donc tout à côté de la plaque. Un zombie en pilote automatique.
J’arrive enfin à poser ces mots à peu près calmement et de façon organisée, après avoir fait plus de 3 heures de sieste sous anxiolytique (Lucien s’occupait de Mini Lu, je ne suis quand même pas inconsciente). Anxio que j’ai récupéré chez mes parents, en toute illégalité. Mais avant ce court repos, j’étais vraiment en train de basculer. Littéralement. Un vrai sentiment de folie, de perdre pied. Je pète un câble. J’ai dépensé des sommes astronomiques ces derniers temps, sans aucune notion. Juste : je dépense sans regarder et quand le compte est vide je puise dans mes économies pour renflouer. Je me sens dépassée par tout et je n’arrive à lâcher prise sur rien. L’allaitement en numéro un : on a mis en place le lait artificiel pour les trois jours par semaine à la crèche, mais je continue de tirer mon lait pour remplacer chaque biberon. Du coup ce qui devait me soulager / alléger mon quotidien se transforme en une contrainte supplémentaire. Parce que je refuse de lâcher. Idem pour la diversification alimentaire, l’entretien de l’appartement, la préparation des cadeaux de Noël pour toute la famille, le frigo toujours rempli … Tout doit être parfait, encore et toujours. Je dois tout gérer. Pourtant personne ne m’impose cela. Aujourd’hui par exemple, Lucien m’a dit : « Je m’occupe de tout, tu fais ce que tu veux de ta journée. » Qu’est-ce que j’ai fait ? Je suis allée courir, mais pas pour kiffer et profiter de la forêt. J’ai couru jusqu’au centre commercial pour récupérer un cadeau de Noël pour ma soeur. Et tout est comme ça. Je suis incapable de lâcher prise.
La vérité c’est que je suis épuisée et au bout de mes forces. Je pleure sans pouvoir m’arrêter dès que j’arrête de m’agiter dans tous les sens, ou dès que je dépose Mini Lu dans d’autres mains (où j’imagine qu’il est forcément mieux qu’avec moi). Je suis fatiguée. J’ai besoin de solitude, de vide, de calme, de rien. Sans Mini Lu, sans Lucien, sans ma famille, sans ma belle-famille. Mais c’est impossible. Des moments seule et des nuits qui ne ressemblent pas à des petites siestes. Voilà ce qu’il me faudrait pour remonter la pente j’imagine.
Dans un élan de prise de conscience, j’ai viré de mes réseaux sociaux tout ce qui tourne autour de l’allaitement, la parentalité, la diversification alimentaire, etc. Je pouvais passer des heures à trainer là-dessus. Et, si ça m’a été très utile dans un premier temps, maintenant ça ne fait qu’alimenter ma culpabilité. Je dois prendre du recul et lâcher prise. Ça fait des semaines que je me répète cela et j’en suis toujours au même point. C’est même de pire en pire chaque jour. Je ne sais pas comment faire. Je suis perdue et dépassée. J’ai besoin d’aide.
Car c’est bien cela, le « burn-out », terme jusqu’à peu réservé à l’épuisement professionnel. C’est ce qui arrive lorsque des mères, à l’image de certains salariés, cherchent à atteindre cette perfection fantasmée, et y consument littéralement toute leur énergie, physique, mais aussi psychique. « La femme se retrouve confrontée à de grandes difficultés, développe Maryse Vaillant, et personne ne s’en rend compte. C’est donc à la fois un sentiment d’épuisement mais aussi de solitude et d’incompréhension. » Car plus elle cherche à tout réussir, plus tout lui échappe. Elle a alors l’impression de n’avoir plus assez de temps pour personne : ni pour elle, ni pour ses enfants, ni pour son couple. De ne pas s’en sortir. De courir en permanence. Y compris en vacances. Elle se sent incomprise, mal aidée, peu soutenue … Mais estime paradoxalement que la charge de maternage lui incombe sans partage. Elle n’arrive pas à déléguer, se retrouve forcément dans l’impasse, et en souffre.
C’est la fatigue qui frappe en premier. Difficulté à se lever le matin, sentiment d’être vidée. Puis le quotidien devient mécanique, les gestes sont répétés machinalement, surtout ceux à l’attention des enfants. Pour essayer d’économiser ses forces, la mère prend ses distances, notamment sur le plan affectif, y compris dans son couple. Mais très vite, cet état second la ronge. Elle réalise qu’elle s’éloigne chaque jour un peu plus de ce rôle de mère parfaite qu’elle cherchait pourtant à atteindre. Elle se dénigre, se déconsidère, perd confiance.