Journal de bord post-partum (7 mois)

Il y a quelques jours j’ai eu 35 ans. Ressenti : 45. Effet coup de pelle dans la gueule.

Le bilan de 2021 pourrait se résumer ainsi : j’ai été enceinte, Mini Lu est né et après 4 mois tranquilou c’est devenu compliqué. J’en ai chié durant des années avant d’être enceinte, et aujourd’hui je ne suis pas pleinement heureuse. Parce que je n’arrive pas à (re)trouver un équilibre. Je pensais naïvement que j’aurais du temps « pour moi » en déposant Mini Lu à la crèche trois mini journées par semaine. Que nenni ! Covid-19 à gogo, la crèche ferme régulièrement ses portes durant 7 jours. Ou alors mon bébé est malade. Ou alors c’est la fermeture annuelle. Bref : il y a toujours quelque chose ! Mais à partir de janvier il y sera (normalement) toute la semaine. J’espère que ça me permettra de me retaper avant la reprise du travail. Parce que là je coule.

Je suis full d’angoisses, de stress, de fatigue, de coups de déprime et même de boulimie. Ma solitude me manque. Le temps me manque. Mini Lu est une tornade dans ma vie. Il me demande tout mon temps et toute mon attention. Le constat est dur mais indéniable : je n’arrive pas à m’épanouir en étant « juste » une mère. J’ai besoin d’être plus que ça. Mais je n’en trouve pas le temps ni l’énergie.

Il n’y aura pas de fratrie. Je ne pourrai pas recommencer tout ça. Je ne parle pas de la PMA, puisque de ce côté le plus dur est fait : nous avons sept embryons congelés. Quelques examens, un traitement hormonal et des transferts, c’est vraiment peanuts par rapport à tout ce que l’on a traversé. Ce qui me semble insurmontable c’est vivre une grossesse (c’est à dire – pour moi – passer 4 mois à vomir) en ayant un bébé à gérer. Et puis le post-partum. D’ailleurs on considère que ça se termine quand ce post-partum ?!

Le manque de sommeil et de temps m’épuisent. Je n’arrive pas à profiter. J’ai récemment dit à Lucien en pleurant : « Rien n’est un kiffe en ce moment. » La reprise du ZOLOFT (depuis un peu plus de trois semaines) a éteint mes plus grosses angoisses, mais ce n’est toujours pas l’extase. Je n’arrive pas à reprendre mon souffle.

Pour Noël, Mini Lu m’a fait flipper et nous avons passé une partie du réveillon aux urgences. Nous n’avons même pas encore fait les fêtes dans ma famille. C’est prévu pour cette semaine, mais autant vous dire que je suis loin d’être dans un mood très joyeux. Tout le monde me rabat les oreilles avec ce « premier Noël à trois » tandis que je rêve secrètement d’une semaine solo sur une île tropicale. Cette période ne m’a jamais vraiment réussi (ma dépression et mes rechutes ont toujours eu lieu à la fin de l’année), mais cette fois en plus je culpabilise : j’ai tout pour être heureuse, et ça ne va toujours pas.

La dernière tétée …

Il y a 15 jours, Mini Lu a chopé une énième rhino-pharyngite. Alors pour lui faciliter la tâche, j’ai une fois de plus tiré mon lait non-stop, parce que boire au biberon était plus simple. Après quelques jours à ce rythme (branchée au tire-lait 20 minutes toutes les 3 ou 4 heures) je décidais qu’il était temps pour moi / pour ma santé (mentale et physique) de lâcher prise sur l’allaitement. Grosse ombre au tableau : je n’avais aucun souvenir de la dernière tétée. Et ça m’attristait terriblement.

Alors hier, au réveil d’une sieste, j’ai mis Mini Lu au sein. Il n’était pas mort de faim. C’était un petit moment câlinou. Quelques minutes tendres, juste nous deux. Ça ne sera peut-être pas réellement la dernière tétée, mais avec l’introduction du lait artificiel et les tirages que j’espace de plus en plus, ma lactation diminue. Alors j’ai envie de conserver l’image de celle-ci comme la dernière. Parce qu’elle était douce, calme, mignonne, parfaite. À l’image des six mois d’allaitement « exclusif » que nous avons vécus.

Ps : impossible de comptabiliser toutes les larmes que j’ai versées en écrivant ces quelques lignes. 💔

J’ai testé … la psychologue de la crèche !

Je n’avais aucune idée précise de son rôle, mais je me suis dit : « Lucienne, tu coules dans ta merde, prends tout ce qui est à ta portée pour rester à flot et que surtout ça n’impacte pas ton bébé. » Le lendemain de ma demande, j’avais un rendez-vous. Petite angoisse, parce que je n’ai pas vu de psychologue depuis des lustres et à chaque fois ça se passe tellement mal – comprendre : je pleure non-stop durant l’entretien – que je n’ai aucune envie d’y retourner. Le psychiatre c’est bien plus facile à gérer, car beaucoup plus factuel et médical. D’ailleurs en parlant de lui : il m’a rappelé suite à mon SOS. J’ai loupé ses premiers appels, because j’ai passé la journée au lit sous anxio (après avoir cleaner l’appart …) (Mini Lu étant à la crèche). On repart sur un ZOLOFT par jour. Pour lui il n’est pas question de dépression post-partum, mais plutôt d’un début de burn-out.

Revenons à la psychologue de crèche ! Un échange de plus d’une heure qui m’a fait du bien et qui a vite mis le doigt sur des choses qui traînent chez moi depuis … vingt ans ?! Elle m’a donné le contact d’une consœur qui propose des thérapies comportementales et cognitives (TCC), qui seraient selon elle plus appropriées à ma / mes problématique(s) qu’un suivi « classique » / psychanalytique. J’ai pris un rendez-vous, j’espère avoir le courage de m’y rendre (et d’y retourner ensuite …). Je sais qu’il y a un gros taff sur mon perfectionniste et mon besoin d’être aimée / validée. Et que ça va sans doute faire très mal de creuser par là …

Elle a aussi enfoncé quelques portes ouvertes : Mini Lu n’a pas besoin d’une mère parfaite / de manger des purées bio homemade / d’un appartement rangé / de couches de telle ou telle marque. Il a juste besoin d’une maman bien dans ses baskets. Et prendre du temps seule ne fait pas de moi une horrible personne. Mieux : le fait de verbaliser ma fatigue ou mes difficultés autorise Mini Lu à ne pas être lui-même parfait, et il parait que c’est important. Bref : si sur le papier tout cela est évident, en pratique c’est loin d’être le cas et je suis incapable de « lâcher » sur quoi que ce soit. On verra bien ce que donne la TCC (ou pas).

Ps : merci pour vos commentaires et mails suite à mon précédent article. Je n’ai pas trouvé le courage ni le temps d’y répondre, mais ça m’a fait du bien de vous lire. ❤

Burn-out maternel / Dépression post-partum

J’ai tenté de joindre mon psychiatre : il est absent jusqu’au 13 décembre, jour de mon rendez-vous. Depuis notre dernier entretien j’ai diminué mon ZOLOFT comme conseillé, puis la fatigue était telle que j’étais incapable de me souvenir si je l’avais pris la veille ou non (j’étais à une gélule tous les deux jours) alors j’ai arrêté totalement. Ça a été très progressif donc je ne pense pas que ce soit la cause de mon pétage de câble aujourd’hui. Mais voilà : trois mois sans jamais enchaîner plus de 3 heures de sommeil d’affilée (au mieux). Septembre, octobre, novembre. Décembre, je craque. D’autant plus que Mini Lu amorce sa troisième crève (vive la crèche), moi je ne suis toujours pas guérie de la précédente et je sais que l’on repart pour des journées et des nuits (encore plus) difficiles. Je ne m’en sens pas la force.

Il faut que je pose le bordel de mon cerveau quelque part en attendant de pouvoir en parler à quelqu’un. PMettes en galère, si jamais tu t’égares encore par ici, fuis maintenant ! Parce qu’il te sera sûrement insupportable de lire mes maux. On est loin du politiquement correct et de la maternité version Instagram.

Je suis épuisée. J’angoisse chaque matin à l’idée de la journée à venir, de m’occuper de Mini Lu à temps plein. Gérer le quotidien, les rendez-vous, les pleurs, les soins et son mal-être à cause de la maladie ou des poussées dentaires. Je n’ai jamais vécu de burn-out, mais j’imagine que ça doit ressembler à ce que je traverse en ce moment : je fais n’importe quoi ! Tout en même temps, donc tout à côté de la plaque. Un zombie en pilote automatique.

J’arrive enfin à poser ces mots à peu près calmement et de façon organisée, après avoir fait plus de 3 heures de sieste sous anxiolytique (Lucien s’occupait de Mini Lu, je ne suis quand même pas inconsciente). Anxio que j’ai récupéré chez mes parents, en toute illégalité. Mais avant ce court repos, j’étais vraiment en train de basculer. Littéralement. Un vrai sentiment de folie, de perdre pied. Je pète un câble. J’ai dépensé des sommes astronomiques ces derniers temps, sans aucune notion. Juste : je dépense sans regarder et quand le compte est vide je puise dans mes économies pour renflouer. Je me sens dépassée par tout et je n’arrive à lâcher prise sur rien. L’allaitement en numéro un : on a mis en place le lait artificiel pour les trois jours par semaine à la crèche, mais je continue de tirer mon lait pour remplacer chaque biberon. Du coup ce qui devait me soulager / alléger mon quotidien se transforme en une contrainte supplémentaire. Parce que je refuse de lâcher. Idem pour la diversification alimentaire, l’entretien de l’appartement, la préparation des cadeaux de Noël pour toute la famille, le frigo toujours rempli … Tout doit être parfait, encore et toujours. Je dois tout gérer. Pourtant personne ne m’impose cela. Aujourd’hui par exemple, Lucien m’a dit : « Je m’occupe de tout, tu fais ce que tu veux de ta journée. » Qu’est-ce que j’ai fait ? Je suis allée courir, mais pas pour kiffer et profiter de la forêt. J’ai couru jusqu’au centre commercial pour récupérer un cadeau de Noël pour ma soeur. Et tout est comme ça. Je suis incapable de lâcher prise.

La vérité c’est que je suis épuisée et au bout de mes forces. Je pleure sans pouvoir m’arrêter dès que j’arrête de m’agiter dans tous les sens, ou dès que je dépose Mini Lu dans d’autres mains (où j’imagine qu’il est forcément mieux qu’avec moi). Je suis fatiguée. J’ai besoin de solitude, de vide, de calme, de rien. Sans Mini Lu, sans Lucien, sans ma famille, sans ma belle-famille. Mais c’est impossible. Des moments seule et des nuits qui ne ressemblent pas à des petites siestes. Voilà ce qu’il me faudrait pour remonter la pente j’imagine.

Dans un élan de prise de conscience, j’ai viré de mes réseaux sociaux tout ce qui tourne autour de l’allaitement, la parentalité, la diversification alimentaire, etc. Je pouvais passer des heures à trainer là-dessus. Et, si ça m’a été très utile dans un premier temps, maintenant ça ne fait qu’alimenter ma culpabilité. Je dois prendre du recul et lâcher prise. Ça fait des semaines que je me répète cela et j’en suis toujours au même point. C’est même de pire en pire chaque jour. Je ne sais pas comment faire. Je suis perdue et dépassée. J’ai besoin d’aide.

Car c’est bien cela, le « burn-out », terme jusqu’à peu réservé à l’épuisement professionnel. C’est ce qui arrive lorsque des mères, à l’image de certains salariés, cherchent à atteindre cette perfection fantasmée, et y consument littéralement toute leur énergie, physique, mais aussi psychique. « La femme se retrouve confrontée à de grandes difficultés, développe Maryse Vaillant, et personne ne s’en rend compte. C’est donc à la fois un sentiment d’épuisement mais aussi de solitude et d’incompréhension. » Car plus elle cherche à tout réussir, plus tout lui échappe. Elle a alors l’impression de n’avoir plus assez de temps pour personne : ni pour elle, ni pour ses enfants, ni pour son couple. De ne pas s’en sortir. De courir en permanence. Y compris en vacances. Elle se sent incomprise, mal aidée, peu soutenue … Mais estime paradoxalement que la charge de maternage lui incombe sans partage. Elle n’arrive pas à déléguer, se retrouve forcément dans l’impasse, et en souffre. 

C’est la fatigue qui frappe en premier. Difficulté à se lever le matin, sentiment d’être vidée. Puis le quotidien devient mécanique, les gestes sont répétés machinalement, surtout ceux à l’attention des enfants. Pour essayer d’économiser ses forces, la mère prend ses distances, notamment sur le plan affectif, y compris dans son couple. Mais très vite, cet état second la ronge. Elle réalise qu’elle s’éloigne chaque jour un peu plus de ce rôle de mère parfaite qu’elle cherchait pourtant à atteindre. Elle se dénigre, se déconsidère, perd confiance.

#mood

À 6 mois et 3 semaines, mon bébé vient de boire (sans entrain) son premier biberon de lait artificiel.

J’ai le coeur brisé.
Je suis épuisée.
Je culpabilise.